Réveiller le citoyen en nous. Voilà ce que nous propose la nouvelle création de Joël Pommerat. Représentée à la Filature de Mulhouse le vendredi 29 avril prochain, les élèves de l’option pourront y découvrir un spectacle marathon (4h20!) mené par quatorze comédiens aussi bien sur scène que dans les gradins… Bien loin de la reconstitution historique, l’auteur-metteur en scène propose une mise en scène de la parole politique, de son jaillissement, des confrontations violentes qui ont donné naissance à notre démocratie.
Mais pourquoi mettre en scène cet épisode historique si complexe ?
Déjà Marx avait noté que la Révolution de 1789 s’était jouée « comme une pièce de théâtre ». Danton, Robespierre avaient selon lui, comme d’autres, joué un rôle, joué aux « Romains qui font leur révolution ». De plus, ce n’est pas la première fois qu’un metteur en scène a ce dessein : déjà en 1971 Ariane Mnouchkine avait mis en scène la Révolution dans « 1789 la révolution doit s’arrêter à la perfection du bonheur », mais cette dernière s’était intéressée surtout au peuple alors que Pommerat ne représente pour héros que des idées et toutes les idées. Si le roi et la reine peuvent aisément être associés à Louis XVI et Marie-Antoinette, les autres personnages forts de ce moment historique ne sont identifiables que par les idées qu’ils incarnent : c’est bien les idées, les mots que Pommerat donne à voir à travers ces confrontations. Et pourquoi représenter la Révolution aujourd’hui ? A cela, l’auteur-metteur en scène répond: « Quand la République va de soi, on l’oublie, mais quand elle est mise en cause, elle réapparaît. J’ai été frappé de voir comment les hommes politiques s’y référaient sans cesse après le 7 janvier… Cela m’intéresse donc d’en questionner la fondation. »
Nous offrant ainsi un instant de réflexion privilégiée sur les luttes qui ont été menées en 1789 pour la liberté, Pommerat nous invite donc à une expérience politique et théâtrale, individuelle et collective, pour nous amener à repenser et réactualiser cet épisode fondateur de notre société moderne et à y percevoir ce qu’il renferme de plus universel.
Ah! Ca ira, ça ira, ça ira …
Le titre de la pièce mérite un éclairage : « Ca ira (1) Fin de Louis ». Pommerat évite d’évoquer le nom de « Révolution » et ne fait apparaître aucune date. Seul « Fin de Louis » suggère implicitement la fin d’un roi, Louis XVI mais plus largement la fin d’une monarchie et même la fin d’un héritage. Ne pensons qu’à la figure de « Louis » chez Lagarce par exemple, dans sa pièce « Juste la fin du monde » (1999) où Catherine annonce à son beau-frère qu’elle a donné à son fils le même prénom que lui, Louis, et qu’Antoine réplique : « Les rois de France », avant que Louis ne surenchérisse en rappelant qu’il est l »héritier mâle ». Le prénom ainsi choisi n’est pas neutre dans l’histoire et renvoie à la fin d’un roi et d’un héritage politique. La première partie du titre « Ca ira » est une référence à la célèbre chanson que Ladré a composé en 1790 à l’occasion de la première fête du 14 juillet appelée la « Fête de la Fédération » (c’est bien cela que l’on commémore le 14 juillet et non la prise de la Bastille !). « Ah! ça ira, ça ira, ça ira » a été composée sur l’air du « Carillon national », un air de contredanse très célèbre, que Marie-Antoinette jouait même sur son clavecin. Le titre et le refrain ont été inspirés par Benjamin Franklin, représentant du Congrès des 13 colonies d’Amérique à Paris de 1776 à 1785 qui, lorsqu’on lui demandait des nouvelles de la guerre d’Indépendance américaine, répondait: « Ca ira, ça ira ». Le texte a d’ailleurs été repris dans une gravure britannique publiée à Londres qui représente l’exécution de Louis XVI et figure des démons qui chantent dans le ciel « Ca ira » :
Vous trouverez ci-dessous le lien vers la chanson qui a inspiré le titre de la pièce de Pommerat :
Enfin, la création de Pommerat a déjà donné lieu à nombreuses émissions et à de nombreux entretiens, vous trouverez les liens vers certaines d’entre elles ci-dessous :
- Un entretien avec Pommerat qui présente son projet :
- Un entretien avec Saadia Bentaied, comédienne de la « Compagnie Louis Brouillard » qui revient sur le travail de comédien mené dans le cadre de cette création :
- Enfin, des liens vers des émissions de France Culture et France info consacrées au spectacle de Pommerat très éclairantes sur son entreprise et sur les réactions de spectateurs :
Joël Pommerat : le théâtre fait la Révolution (11/11/2015) : http://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-1ere-partie/joel-pommerat-le-theatre-fait-la-revolution
Spectacle vivant: « Ca ira (1) Fin de Louis » et « Nobody » (09/11/15) : http://www.franceculture.fr/emissions/la-dispute/spectacle-vivant-ca-ira-1-fin-de-louis-nobody
« Ca ira (1) Fin de Louis » : Joël Pommerat révolutionne son théâtre (09/11/15) : http://www.franceinfo.fr/player/resource/743001-1673249
L'option théâtre du lycée Jean Mermoz de Saint-Louis 